A savoir..

Marie-France Hirigoyen, dans son livre Marie-France Hirigoyen, “Abus de faiblesses et autres manipulations” (Editions Jean-Claude Lattès, 2012) exprime quelques éléments importants :


“Un parent aliénant peut aller jusqu’à des dénonciations abusives de violences physiques ou sexuelles aboutissant à une suspension du droit de visite du parent suspect, ou bien si l’enfant peut continuer à voir le parent suspect, le parent méfiant a la tentation de « protéger » l’enfant en ne le présentant pas, et c’est lui qui risquera des sanctions juridiques.”

“ Un parent aliénant vient souvent d’une famille dysfonctionnant avec parfois lui-même des antécédents d’aliénation, d’abandon ou de maltraitance. Il avait dû alors se cliver pour se protéger, et plus tard, quand il s’acharne à éliminer l’autre parent c’est parce qu’il aura projeté sur lui tout le « mauvais » qu’il ne veut pas voir en lui et qu’il aimerait voir disparaître.”

“Le parent rejeté ressent une détresse profonde et un grand sentiment d’impuissance et d’injustice. Le comportement incompréhensible de l’enfant constitue un traumatisme qui va le sidérer. Quoi qu’il fasse quoi qu’il dise, rien ne peut le réhabiliter aux yeux de l’enfant.”

“Face à l’hostilité de l’enfant, le parent rejeté va d’abord chercher une explication plausible, puis il va tenter de se justifier, et d’apaiser l’enfant. Mais à ce rejet vient s’ajouter la suspicion de l’entourage et souvent même des intervenants.”

“Lorsque les liens sont définitivement coupés, il y a un deuil impossible à faire puisque les enfants sont vivants. Ils sont alors partagés entre un vague espoir et aussi une crainte de les revoir un jour, ce qui conduit certains patients à un état dépressif chronique.”

“Dans un processus d’aliénation, les enfants sont les premières victimes puisque cela affecte considérablement leur devenir psychique mais ils sont aussi complices car ils participent activement à l’élimination du parent qu’ils rejettent.  Quand un parent dénigre l’autre parent, l’enfant est pris dans un conflit de loyauté. Il est dans l’impossibilité de choisir entre deux solutions qui engagent son amour pour chacun de ses parents et cela entraîne chez lui une tension extrême et une forte angoisse. A un certain moment, pour moins souffrir, il n’a pas d’autres solutions que de se rallier au camp du parent aliénant, c’est-à-dire celui qui met le plus de pression, qui lui fait peur.”

“Le clivage est un mécanisme de défense de l’enfant qui permet de maîtriser l’angoisse et de mettre de côté une émotion ou un souvenir trop perturbant. Cela se fait en scindant le Moi en deux parties. Une tente d’isoler la situation traumatique, tandis que l’autre reste connectée à la réalité. Par la suite, la présence ou la seule évocation de l’autre parent entraînera une forte angoisse chez l’enfant qui disjonctera au sens propre du terme pour ne pas laisser remonter le souvenir traumatique. Effectivement la vue du parent rejeté amènera chez l’enfant une intense douleur, alors que ne pas le voir lui permettra de ne pas penser à la situation et de ne pas avoir mal.” 

“L’amnésie arrive ensuite. Après un temps, l’enfant perd son ambivalence, les souvenirs qui pourraient venir nuancer sa vision manichéenne de la situation sont oubliés et c’est la version du parent aliénant qui est retenue, avec une amnésie de tout ce qui est autre. Il va alors prendre parti pour le parent aliénant et se mettre à dénigrer le parent rejeté, parfois proférer contre lui des accusations mensongères ou relater des faits qu’il n’a pas vécus. Plus le temps va passer et plus la version du parent aliénant deviendra « vraie » aux yeux de l’enfant car ses souvenirs vont se reconstruire sur la base de la version qui lui est donnée.”

“À court terme un enfant aliéné donne en général l’impression d’aller bien, mais cela ne garantit pas pour autant un bon pronostic à plus long terme.   Comme un parent aliénant veut apparaître comme un parent parfait, la scolarité, les loisirs, les activités culturelles, tout cela peut paraître irréprochable, mais l’enfant risque de développer un « faux self » c’est-à-dire une personnalité de surface masquant sa véritable identité, avec une apparence lisse et une fausse maturité. Le clivage peut l’amener à se faire une représentation manichéenne du monde avec d’un côté les bons, de l’autre les mauvais, ce qui peut conduire à une double persécution, l’amenant à se méfier de tout ce qui est autre.”

“Ces enfants présentent également un risque accru de troubles de la personnalité le plus souvent de type narcissique avec une intolérance à la frustration, une difficulté à gérer l’agressivité et une tendance à se placer dans une position de toute-puissance. Il semble qu’il présente plus que d’autres des troubles donc des conduites alimentaires et des conduites à risques, toxicomanie et conduites antisociales.”

“Quelle que soit l’évolution de la problématique, l’enfant mobilise toute son énergie psychique pour se préserver mais il ne pourra éviter l’émergence de symptômes d’angoisse et de somatisation, migraines, asthme, eczéma ou des crises d’angoisses. C’est ainsi que l’on voit parfois des enfants qui ont apparemment résisté à l’aliénation mais qui restent très affectés par ce des déchirements familiaux.  Si les enfants prennent conscience qu’ils ont été manipulés, rendus complice d’une grande injustice, ils auront à gérer une énorme culpabilité.”

“Devant des premiers signes d’Alienation Parentale il est essentiel de réagir vite, car plus le temps passe, plus l’enfant est en symbiose avec le parent aliénant est plus en lien avec le parent rejeté se délite. À un certain moment, l’enfant se comporte de façon beaucoup plus radicale que le parent aliénant, il devient alors très difficile d’imposer la reprise de relation normale avec le parent rejeté. Dans une perspective de prévention, il serait même préférable d’agir dès le premier passage devant un juge des parents qui se séparent. À cette occasion, on pourrait leur rappeler leur obligation d’aider leurs enfants à maintenir un lien avec l’autre parent, leur dire que si l’enfant se montre réticent à voir l’autre parent, c’est à eux qu’incombe la responsabilité de le convaincre. En effet laisser un enfant refuser de voir un de ses parents, c’est le placer dans une position de toute-puissance, ce qui est préjudiciable pour son devenir psychique.”

“En cas de séparation conflictuelle, les professionnels doivent apprendre à repérer tôt le glissement du normal (difficulté à trouver sa place en tant que parent séparé), vers le pathologique (instrumentalisation d’un enfant l’amenant à rejeter l’autre parent).  Face à des situations d’Aliénation Parentale, tout le monde peut se laisser manipuler. Un intervenant insuffisamment formé, face à la détermination apparente d’un enfant, imaginera qu’il lui faut le protéger d’un parent abusif, alors que, dans la réalité, celui qui abuse n’est pas celui dont l’enfant se plaint.”

“Parents aliénants et enfants aliénés sont tellement convaincus qu’ils sont convaincants.”

Le Dr Poussin d’ajouter que :

“Sans aucunement pousser l’enfant à mentir, un parent qui est convaincu de la supériorité de sa position bénéficie d’une grande capacité de suggestion, qui n’est même pas consciente, et qui influence l’enfant jusqu’à un travertissement de la réalité.  Il suffit en fait pour un parent de croire à la nocivité de son ex-conjoint pour que l’enfant y croie, et parfois de façon totalement fanatique”

“C’est au juge de préciser le cadre, d’établir des règles précises concernant les échanges, y compris les coups de téléphone. Le juge devrait alors imposer un retour au lien rapidement c’est-à-dire en quelques semaines et non en quelques mois.”

“Une expertise peut se montrer utile pour évaluer le degré de gravité de l’aliénation, mais à condition qu’elle soit menée par un expert formé à cette problématique, qu’elle intervienne tôt et qu’elle concerne l’ensemble de la famille.”

“Une psychothérapie permet de comprendre où se situe l’appréhension de l’enfant à l’idée de laisser le parent qu’il rejette. Cela constitue un espace neutre qui permet à l’enfant de prendre de la distance par rapport au conflit parental et à plus long terme cela lui permet de développer son esprit critique.”

“Dans les cas d’aliénation les plus graves, la menace de sanction joue un rôle structurant chez le parent aliénant car ces individus craignent l’autorité. Le juge peut alors imposer une mise à l’épreuve avec la menace d’une modification du droit de visite et de l’hébergement, du transfert du droit de garde à l’autre parent, voir même une menace de prison. Cela aurait au moins le mérite de déculpabiliser l’enfant qui pourrait voir chacun de ses parents avec le prétexte d’éviter au père/ à la mère aliénant(e) d’aller en prison.”